Des emprunts toxiques à Bois-Colombes
Le voile est levé
Des emprunts toxiques à Bois-Colombes ! La question avait pourtant été plusieurs fois posée par des élus de l’opposition ; la réponse restait la même : « Pas de ça chez nous ! ». Or, le 20 septembre le site internet du journal Libération[1] nous révéla la vérité, la commune a souscrit auprès de la banque Dexia cinq emprunts toxiques entre 2004 et 2009 pour un montant de 21 126 000 €. La note pour les contribuables est plus que salée, car cette dette génère un surcoût de 23,8 % par rapport aux intérêts calculés au moment de la signature du contrat, soit 5 028 000 € !
L’emprunt et les collectivités territoriales
L’endettement en lui-même n’est pas à reprocher, c’est un outil usuel qui permet de financer des projets d’investissements des collectivités territoriales. Par projet d’investissement, il faut comprendre toute action qui donne une valeur ajoutée à un patrimoine (achat de terrain, de biens immobiliers, de nouveaux équipements ; travaux d’agrandissement, de rénovation, ou de construction …). Aujourd’hui pour l’Etat, l’emprunt sert à financer un énorme déficit budgétaire ; ce qui n’est pas le cas des collectivités territoriales qui n’ont pas le droit de présenter un budget déficitaire. C’est la règle de l’équilibre budgétaire. L’emprunt des communes est à la fois une recette et une dépense, dans le sens où une collectivité se doit de budgétiser la recette, mais aussi la dépense que constitue le remboursement de l’emprunt. Une dépense qui ne peut être assurée que par des fonds propres et pas par un nouvel endettement. Ces 5 028 000 € supplémentaires viennent directement des poches des bois-colombiennes et bois-colombiens…
Un outil utile pour l’autonomisation
Avant la loi de décentralisation de 1982, l’emprunt des collectivités est un emprunt public assuré par la Caisse des dépôts et des consignations avec un fort contrôle de l’Etat. Dans le contexte de la décentralisation, les collectivités territoriales gagnent en indépendance et l’emprunt privé peut être alors considéré comme un élément garant de cette autonomie. Il se constitue dès lors un énorme marché financier avec l’emprunt des collectivités territoriales qui attire de nombreux acteurs bancaires qui n’ont pas manqué d’imagination pour inventer divers produits financiers, du plus ordinaire au plus dangereux.
La dérive d’un système
La trajectoire de la banque Dexia est assez emblématique de la dérive du système bancaire.
En 1987, une institution financière destinée aux collectivités publiques est créée ; il s’agit du Crédit Local de France. En 1990, le CLF se développe au niveau international. En 1991, il est coté en bourse ; l’Etat détient 25,5 % des actions, la Caisse des dépôts 25 %, 49,5 % sont détenus par des investisseurs privés. En 1996, Le CLF s’allie avec le Crédit communal de Belgique en donnant naissance à la banque Dexia. En 2000, Dexia est désormais en première place mondiale sur le marché des services financiers à destination du secteur public ; la banque n’a cessé de racheter de par le monde de nombreuses banques.
En 2008 éclate la crise financière des subprimes, durement touchée Dexia est réduite à recourir à une aide de l’Etat. On est loin de l’esprit du CLF, celui d’une petite banque qui œuvrait avec un sens du service public. Car c’est à cette même période qu’éclate le scandale des emprunts toxiques ; Dexia a selon Libération commercialisé plus de 5 000 de ces prêts à des collectivités territoriales. Octobre 2011, le démantèlement de Dexia est amorcé.
Emprunt toxique et emprunts classiques
Parmi les emprunts classiques, il y a les emprunts à taux fixe et variable.
Pour les premiers, le taux est le même pendant toute la durée du contrat.
Pour les deuxièmes, le taux pratiqué suit la progression d’un indice connu(le cours d’une monnaie, de l’or, du cuivre …).
Un emprunt toxique est un montage financier tellement complexe qu’il ne peut être vraiment compris que par des spécialistes. Plus c’est complexe, mieux on peut flouer.
Son taux est fixé par une formule mathématique qui prend en compte plusieurs indices qui ne sont pas tous connus. La « toxicité » a lieu quand il n’y a plus concordance entre ces derniers.
Contrairement aux emprunts ordinaires, un emprunt toxique peut être structuré en deux phases :
– une première phase qui s’étale sur 1 à 3 ans, le taux fixe à payer est alors très bas.
– une deuxième phase lors de laquelle on applique la formule mathématique.
Tout le danger se situe au niveau de la seconde période, car à ce moment là le taux peut grimper indéfiniment.
L’emprunt privé pouvait constituer initialement un certain gage de l’autonomie des collectivités territoriales qui s’extirpaient de la mainmise d’un Etat trop centralisateur. Pour autant, nous assistons aujourd’hui à la dérive d’un système orchestré par des financiers plus soucieux des intérêts juteux que pouvait leur rapporter l’énorme marché des collectivités territoriales, qui au vu de la règle de l’équilibre budgétaire sont des clients obligatoirement solvables, que du bien public.
Les élus de la majorité ont aussi leur part de responsabilité, car ils n’ont pas su détecter la dangerosité des produits qu’on leur vendait. De plus, quand on ne dispose pas des compétences adéquates en interne, il est toujours possible de faire appel à des cabinets compétents et neutres qui ne manquent pas sur notre territoire francilien.
Mais où va-t-on ?
Cet épisode malheureux révèle aussi le peu de cas qui peut être fait à l’opposition bois-colombienne qui n’a pas eu droit à tout l’éclairage qu’elle avait pourtant réclamé. Il est plus que dommage d’être mis au courant des affaires financières de la commune par la presse nationale. Il est tout autant consternant que les premiers concernés, les contribuables bois-colombiennes et bois-colombiens, aient été tenus à l’écart de cette gestion financière calamiteuse. Est-ce un accident de parcours ou un mode de fonctionnement ?
David Mbanza
Conseiller Municipal de Bois-Colombes
Conseiller Régional IDF